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Turquie : une stratégie de politique étrangère au prisme du conflit israélo-palestinien

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Réélu le 28 mai 2023 à la tête de la Turquie pour un troisième mandat, le président Recip Tayyip Erdogan a su s’appuyer sur une politique extérieure amenant la Turquie à se positionner comme un acteur central au sein de la scène internationale. Si l’accord céréalier obtenu avec la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine en est une démonstration, il est également notable d’observer que le président Turc a su se créer une stature régionale, vis-à-vis de ses voisins du Moyen-Orient. Cette position diplomatique s’est également alliée à un discours intégrant la question religieuse, permettant au président Erdogan de se positionner comme le défenseur du monde musulman tout en entamant une normalisation des relations avec l’état d’Israël. Néanmoins, la guerre entre Israël et le Hamas pourrait obliger le président Recip Tayyip Erdogan à repenser ses orientations de politique extérieure pour consolider ses choix de politique intérieure.

Réélu, Recip Tayyip Erdogan va être contraint par sa politique intérieure, lié à la religion, pour définir sa politique extérieure et assurer son statut politique
La Turquie du président T. Erdogan peut-elle renouveler sa politique extérieure ?

La Turquie, un acteur international

Nouvellement élu, pour la première fois au second tour, le président Erdogan apparaît tributaire des difficultés sur le plan intérieur. Avec une inflation atteignant jusqu’à plus de 60 % en 2023 et la nécessité de reconstruire une partie du pays suite au séisme de la même année, le président Recip Tayyip Erdogan et son gouvernement font face à des défis majeurs sur le plan intérieur. A ces éléments s’ajoute également la question kurde, remise sur le devant de la scène après l’attentat du 2 octobre 2023.

Mais si le président élu a réussi à conserver sa place et assurer sa réélection, c’est pour partie grâce à sa politique extérieure et son électorat qui le perçoit comme le défenseur des opprimés, à même de remettre en cause l’ordre mondial établi. Qu’il s’agisse des questions autour de la Méditerranée, de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN, du Haut Karabach, de l’Ukraine ou de la Syrie, le président a su affirmer une présence dans les dossiers internationaux pour positionner la Turquie en puissance médiatrice. Sa présence à Sotchi lors de l’accord céréalier obtenu durant le conflit majeur opposant l’Ukraine à la Russie démontre pleinement cette place qu’a su prendre Recip Tayyip Erdogan sur le plan international, tout en maitrisant une forme de non-alignement.

Mais contraint sur le plan intérieur

Cette position d’homme fort à l’international se couple, sur le territoire régional, avec une stature de défenseur du monde musulman. Usant d’un discours néo-ottomaniste, le président sait construire sa popularité auprès d’une Turquie nostalgique d’une puissance passée et soucieuse de sa notoriété à l’international. En y ajoutant la question religieuse de l’islam, le président Erdogan s’est construit un électorat attiré par un discours nationaliste et enraciné dans une identité musulmane. L’efficience de cette stratégie porte par ailleurs la popularité du président turc au-delà des frontières de l’Etat, pour en faire le leader perçu comme le plus légitime au sein du monde musulman.

D’autre part, la Turquie a également étendue son influence au sein du Moyen-Orient par des actions militaires. L’intervention en Syrie a notamment permis à la Turquie d’endiguer une influence kurde en expansion suite aux conflits avec l’Etat Islamique, tout en renforçant la position du pays comme défenseurs des sunnites de la région.

Capable de peser localement et internationalement, la Turquie a pu construire progressivement une position d’équilibre diplomatique, culminant avec un début de reprise des relations avec Israël. Cette position s’est néanmoins modifiée à la lumière du conflit entre Israël et le Hamas. D’abord neutre dans ses prises de position au sujet du conflit, appelant à trouver une issue diplomatique, le président Recip Tayyip Erdogan a pris la parole le 7 octobre pour se positionner ouvertement en soutien du Hamas, critiquant « l’Occident » pour ses positions dans le conflit.

Un repositionnement à venir ?

Si cette prise de partie éloigne la possibilité pour la Turquie d’être une puissance médiatrice dans le conflit, elle permet néanmoins au président turc de conserver à la fois sa position internationale et sa stature au sein du monde musulman. Ceci permet à la Turquie de s’établir comme rivale de l’Iran dans la défense des musulmans et ce faisant, de s’aligner dans bloc alternatif au camp occidental. Néanmoins cette stratégie a également coûté au président Erdogan une place dans les négociations pour un cessez-le-feu, finalement obtenu avec l’Egypte et les Etats-Unis.

Dépendant de la question religieuse et contraint par les changements qui s’opèrent au Moyen-Orient, le président Recip Tayyip Erdogan peut néanmoins compter sur une autre zone d’influence pour asseoir sa politique extérieure. La popularité du président, en s’étendant au-delà des frontières, lui permet d’obtenir une notoriété conséquente au sein de la zone nord-africaine. La rencontre du président Erdogan avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, le 22 novembre 2023, pourrait asseoir l’idée d’un positionnement de politique extérieure favorisant la création de nouveaux partenariats dans la zone, au détriment d’anciens partenaires Occidentaux.

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Florian Guéneau

Diplômé en psycho-criminologie et étudiant à l'IRIS, au sein du parcours Sécurité, Défense et Gestion de Crise, je suis intéressé par les questions de géopolitique du terrorisme et de défense, ainsi qu'aux questions d'influence et de diplomatie.

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